Au réveil je suis comme malade, je le sens c’est une vraie maladie de se réveiller, c’est vrai je vous assure ! Quoi qu’il en soit les vrais, les durs, les ô combien honnêtes citoyens se lèvent eux, je ne sais pas trop pourquoi, mais il le faut... c’est comme ça. Tout sent mauvais au matin, tes humeurs puent, tu sens mauvais, ta chambre sent mauvais et même la bouche de ton partenaire pue. En plus tu veux le/ la plaquer depuis longtemps. Qu’elle est conne me dis-je au petit matin, qu’elle suce bien j’hurle le soir, mais rien n’y fait ma journée reste de merde chaque jour. Je m’en vais en ne sachant trop ce que j’ai fais des ces premiers instants. Je prends le métro pour aller à ce qu’on appel un boulot, je le prend parce que j’ai pas de tune pour avoir une bagnole. Aux autres, je leur raconte que c’est de la faute du piétonnier si je n’en ai pas, c’est pitoyable. Je pense, bercé par le métro, eux, les autres, ils sont collés à leur smartphone. Des fois ils lèvent la tête quand un clodo les interrompt. Les interrompre dans quoi en fait ? Je ne le sais pas à vrai dire...Mais qu’elle est dégueulasse cette femme en face de moi bon sang ! Non, je regrette ! Ce n’est pas permis de voir une moustache sur le visage d’une prolétaire au petit matin ! Non, pardon hein ! Mais ça devrait être interdit ! Que font les pouvoirs publics ? Et cette arabe là ! Elle a fini d’en sortir des gosses de partout ? C’est quoi le projet à la fin ? Je suis sûr qu’elle fraude tranquillement, comme il le faut pour en profiter de nous. Nous les pauvres citoyens bien gras et maltraités, des pauvres petits choux que nous sommes. Il s’arrête le métro et je le vois au loin . Oui, oui, je le vois bien le gitan qui s’avance avec son accordéon, pourvu qu’il ne fasse rien de son arme de destruction massive. Je n’aime pas l’accordéon. Il est dans le métro, c’est pas vrai le calvaire commence... Il sourit comme un escroc à un placide gros bonhomme comme moi, il approche ses doigts crochus de son instrument et se met à jouer. C’est foutu . Que quelqu’un lui donne de l’argent par pitié, qu’une âme charitable lui dise d’arrêter, je vous en prie ! Et pourtant les aigus dégueulasse me scient les oreilles, son sourire m’irrite, je suis dans le métro et je réclame la paix, mais personne ne s’en soucie de MOI, moi qui suis si important rien que dans ma tête. Ca ne s’arrête plus, il révise les classiques comme-ci ça nous intéressait les lobotomisés que nous sommes ! Je vais appeler la police. Pour rien, juste comme ça pour faire chier. Ah ! Mais qui voilà ? C’est le saint ordre sous mes yeux, ils sont là, juste à la station suivante : les contrôleurs ! Dieu soit loué ! Des uniformes tout chatoyant, tout gris vilain comme je les aime. Ils sont beaux ces travailleurs berbères avec le petit blanc qui les accompagne, c’est exotique ! Ils contrôlent et ils le font bien après s’être gonfler chez Basic Fit, c’est ma fierté à moi d’être en ordre devant ces gens dont je me fiche. Ils arrivent à moi, ils s’engueulent déjà avec une noire et moi j’ai la main qui tremble à vouloir leur montrer mon flambant neuf « mobib ». C’est comme vouloir se branler que d’être bien vu, c’est un moment de pur érotisme de ne pas être un fainéant mauvais payeur dans ses trajets.
-Monsieur, votre titre de transport s’il vous plait. J’aime qu’on m’appel monsieur, ça me sied bien. Mais, mais... où est mon portefeuille ? Et l’arabe de toute à l’heure... mais elle ne fraude pas ! Elle est en ordre et elle échange des amabilités avec les contrôleurs ! Et moi ? Il est où mon portefeuille ? Je ne le trouve pas !
Monsieur, si vous n’avez pas votre titre de transport on va devoir vous mettre une amende. -Un instant, s’il vous plait. Ce n’est pas possible, je ne trouve pas mon portefeuille ! On me la volé, j’en suis certain ! -C’est ce qu’ils disent tous monsieur... C’est la panique, je transpire. Comment ça peut m’arriver ? Et tous ces regards qui m’accusent, je n’ai rien fait pourtant. -Bon, monsieur on va devoir sortir.
-Non, non, attendez.
-Monsieur, veuillez nous suivre ! Et me voilà, au cours d’une journée de merde, avec cette noire qui hurle sur les quais de Porte de Hal. Je me sens bien con, bien penaud, moi et mes certitudes sur ce qui est tout en n’étant finalement rien d’autre qu’un petit monsieur. Et comme tous les petits messieurs je me suis cru bien plus grand qu’une société qui m’encule.
Groupe Anathème.