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Cinq réflexions sur les frappes aériennes contre la Syrie

posté le 17/04/18 Mots-clés  réflexion / analyse  antifa 

1. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont lancé des frappes aériennes sur la Syrie ce matin alors que des inspecteurs de l’OIAC, l’agence de l’ONU sur les armes chimiques, étaient venus enquêter pour savoir si une attaque chimique - la justification officielle des frappes - avait eu lieu à Douma la semaine dernière et, si oui, qui était responsable.

Il semble que les frappes aient été programmées de manière à prévenir et à déjouer l’enquête de l’ONU. Cela doit faire craindre que nos dirigeants nous trompent, comme nous l’avons été en Irak et en Libye, car ils visent à attiser une nouvelle « guerre humanitaire » dont les seuls bénéficiaires seront les élites militaires, industrielles, sécuritaires et médiatiques occidentales.

2. N’oublions pas qu’une attaque militaire contre un pays souverain sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU équivaut à une guerre d’agression. C’est un crime contre l’humanité - le crime international suprême, en fait - comme les juristes l’ont souligné à maintes reprises.
Nous avons à présent tellement inversé l’ordre mondial que les puissances occidentales peuvent prétendre – d’un air impassible - attaquer un pays au nom de la décence et de l’humanitarisme en brisant les principes les plus fondamentaux du droit international, principes développés précisément pour éviter les deux guerres mondiales qui ont dévasté l’Europe et au-delà.

3. Trump a déclaré : "Nous sommes prêts à maintenir cette réponse jusqu’à ce que le régime syrien cesse d’utiliser des agents chimiques interdits." Étant donné qu’il ne sait pas si Bashar el-Assad a utilisé des armes chimiques ou si les opposants jihadistes d’Assad ont eu accès à de tels agents à Douma, ses déclarations ne peuvent qu’inciter fortement les extrémistes islamistes de la variété coupeurs de têtes à lancer (plus ?) d’attaques réattribuées - ou tout simplement à simuler des attaques factices - pour intensifier la violence occidentale qui fonctionnera en leur faveur.

4. Il n’y a précisément rien d’humanitaire dans les attaques militaires occidentales. Elles encouragent et renforcent le côté perdant, les extrémistes islamiques, et font traîner une guerre par procuration déjà prolongée dans laquelle les civils syriens ont payé le prix principal.
Elles risquent aussi de déclencher une escalade et un élargissement des combats qui pourraient entraîner des morts et des destructions massives dans la région et au-delà (et cela sans envisager les dangers d’une confrontation nucléaire). Nous ne dépendons plus du bon sens de nos dirigeants (ils ont montré qu’ils n’en ont pas), mais de la retenue du dirigeant russe Vladimir Poutine. Nous devons espérer qu’il refusera d’y être attiré par nos propres gouvernements irresponsables.

5. Ce n’est pas la faute de Trump, aussi mauvais soit-il. Il y a un soutien bipartisan pour cette folie. Hilary Clinton et les dirigeants démocrates aux États-Unis, ainsi qu’une grande partie du parti travailliste au Royaume-Uni, sont entièrement d’accord avec ces actions. En fait, ils ont incité Trump à lancer des attaques.

Il est difficile de ne pas remarquer un contexte politique aux États-Unis et au Royaume-Uni où les opposants à l’escalade des tensions avec la Russie - y compris Trump lorsqu’il était candidat à la présidence - ont été dénigrés comme agents du Kremlin et de Poutine.
Sans doute, les affaires douteuses de Trump à l’échelle mondiale méritent d’être étudiées, comme elles l’étaient avant qu’il ne devienne président. Mais le focus sur ses liens avec la Russie, sur l’ingérence supposée de la Russie aux dernières élections américaines, sur le rôle supposé de la Russie dans la production de soi-disant "fausses nouvelles" sur les médias sociaux, sur l’hypothèse d’une implication russe dans l’empoisonnement des Skripals au Royaume-Uni, et bien d’autres choses, ne laissent guère d’autre choix à Trump que d’accompagner les élites de sécurité et de renseignement américaines.

C’est la raison pour laquelle il est instantanément fêté par l’establishment politique chaque fois qu’il attaque la Syrie. Il faudra un Trump courageux pour résister à ces pressions à l’avenir - et presque rien ne suggère jusqu’à présent qu’il possède ce genre de courage.

https://www.jonathan-cook.net/blog/2018-04-14/five-thoughts-on-the-air-strikes-against-syria/


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