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Des militants d’extrême droite à la fac Diderot de Paris pour un colloque sur la Russie

posté le 19/04/18 par La Horde - http://lahorde.samizdat.net/2018/04/19/des-militants-dextreme-droite-a-la-fac-diderot-de-paris-pour-un-colloque-sur-la-russie/ Mots-clés  antifa 

Ce samedi 14 doit se dérouler, à la fac Diderot de Paris, un colloque “Où va la Russie” organisé par “l’Académie de Géopolitique de Paris” avec des intervenants bien connus à l’extrême droite, mais aussi Djordje Kuzmanovic conseiller de Jean Luc Mélenchon, porte-parole Défense et International de la France Insoumise et secrétaire national du Parti de Gauche (il s’est depuis expliqué et retiré). Ce colloque sera bien orienté en soutien à Poutine et aux pro-russes du Donbass.

L’extrême droite au Donbass

En 2014, dans la zone du Donbass, situé au sud-est de l’Ukraine, éclate ce qui pourrait ressembler à une guerre civile, suite à une crise politique que traverse le pays. Ce conflit oppose pro-gouvernements, partisans d’un rapprochement de l’Ukraine avec l’Europe et les Etats-Unis et ceux favorable à leur rattachement à la Russie. La Russie qui n’hésitera pas à poster ses troupes à la frontière avec l’Ukraine et à soutenir les milices pro-russes. Ce conflit sera l’occasion de voir plusieurs dizaines de militants d’extrême droite française rejoindre la zone pour prendre part au conflit. On retrouvera ainsi Gaston Besson vieux routard du mercenariat (au côté des Karens de Birmanie, puis engagé dans l’HOS de 1991 à 1993 lors du conflit en ex-Yougoslavie). Il sera chargé du recrutement des volontaires étrangers pour le bataillon Azov, milice pro-ukrainienne.

Selon certaines sources il y aurait eu jusqu’à 10 français dans cette unité. Le symbole de cette unité se composait des couleurs jaune et noir de l’Ukraine ainsi que d’un trident stylisé (ou de la rune wolfsangel inversée au choix), le tout sous fond de Soleil Noir. Ce symbole très présent en Ukraine fut introduit en France par les solidaristes dans les années 60 suite à leur contact avec le groupuscule antisoviétique NTS. Autant d’éléments qui ont permis aux nationalistes français de se sentir à l’aise dans cette unité. A noter qu’à l’époque une partie de la scène NSBM et RAC s’appropriera ce symbole, essentiellement pour faire du business via la vente de t-shirts.

Mais on va également retrouver d’autres militants d’extrême droite dans le camp pro-russe, souvent beaucoup plus jeunes. On retrouve pêle-mêle un ex-identitaire, Victor Lenta, ancien caporal du 3ème régiment de parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa), Guillaume Cuvelier dit Guillaume “le Normand”, passé par les Jeunesses Identitaires lui-aussi, avant de passer par la case Troisième Voie. Il reviendra du conflit blessé. Il y a également Michael Takahashi, qui naviguait entre les réseaux pro-Bachar Al-Assad et l’association SOS Chrétiens d’Orient. Ils seront incorporés à l’Unité Continentale. Dans un autre style, Hubert Fayard, ancien adjoint de Bruno Mégret à la mairie de Vitrolles, ex-MNR, ouvrira une ambassade de la république autoproclamée de Donetsk à Marseille.

Quelques intervenants lors de ce colloque

  • Le mot de Bienvenue du colloque sera assuré entre autre par Victor Alfonso, “consultant en Stratégie sûreté internationale”. Si ce nom ne vous dit rien, peut-être que Victor Lenta vous parle un peu plus. En fait ce Victor Alfonso Lenta connu de l’extrême droite toulousaine étant passé par le Bloc Identitaire de Toulouse au début des années 2010, et logiquement s’engageant dans l’Oustal le local des Identitaires sur cette ville à cette époque. Durant l’été 2012, monsieur Lenta se met à militer au Lys Noir. Puis en septembre 2012, c’est le coup de poignard dans le dos du BI, sans même avertir personne et laissant une ardoise à l’Oustal, Victor quitte le Bloc et prend la tête des Jeunesses Nationalistes. En 2014, il lance le mouvement “Unité Continentale”, qui voulait regrouper des volontaires français pour combattre aux cotés des pro-Poutine dans le Donbass. Il part donc en Ukraine et au bout de 3 mois ils ne sont qu’une petite dizaine dont 3-4 français. Voir l’article de 2013 sur Victor Lenta.
  • Un autre intervenant a un long passé à l’extrême droite, Yves Bataille, qui doit animer un débat sur “La Russie dans les Balkans”. Né en Algérie, ce fils de magistrat et petit fils d’officier de l’armée française, fait partie de ces figures qui hantent les arrière-cours des groupuscules extra-parlementaires de l’extrême droite française depuis 50 ans. Pro-Russe et farouchement anti-américain, il est l’une des dernières figures historiques de la mouvance nationaliste-révolutionnaire. Avec le temps il est devenu une référence à l’extrême droite et dans les milieux NR pour toutes les questions touchant à la Russie et à l’Europe de l’Est. Exclu d’Ordre Nouveau en septembre 1971[1] alors qu’il était le chef de la section nantaise, Yves Bataille fonde, avec des membres de Jeune Europe, l’Organisation Lutte du Peuple (O.L.P.)[2]. S’inspirant de l’organisation italienne Lotta di Popolo, qualifiée parfois de « nazi-maoïste », ce mouvement se définit alors comme NR (Nationaliste-révolutionnaire). L’autre influence politique de l’OLP sera le mouvement Jeune Europe de Jean Thiriart[3]. Le groupuscule édite un journal La Flamme, qui deviendra plus tard Lutte du Peuple. En 1973-1974 Organisation Lutte du Peuple tentera de proposer ses services au SAC dans la lutte contre les « gauchistes » sans grand succès. D’autres groupuscules nationalistes, aux arguments physiques bien plus convaincants, seront choisis pour louer leurs bras. Par la suite Yves Bataille intègre la rédaction des Cahiers du CDPU[4] de Michel Schneider[5] et Yannick Sauveur. Il écrit également dans des revues de la Nouvelle Droite. Créateur des revues Lettre de la Francité et Seconde révolution, Yves Bataille devient le rédacteur en chef des Cahiers du CDPU en 1975. Le 11 février 1979, Yves Bataille et les quelques militants de l’O.L.P. (dont Christian Bouchet), participent autour de Jean-Gilles Malliarakis, le Groupe Action Jeunesse, et ce qu’il reste des Groupes Nationalistes Révolutionnaires de Duprat (ex-FN ; Jacques Bastide, Patrick Gorre) à la création du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire. En novembre 1987 Yves Bataille participe à Paris à des rencontres organisées par le Parti Communautariste Nationaliste (PCN)[6] pour lancer un nouvelle structure à l’échelle européenne. Le projet ne verra jamais le jour. En juin 1990 il rejoint l’équipe de la revue Nationalisme et République[7], trimestrielle diffusée en kiosque. Yves Bataille y retrouve de vieilles connaissances comme Michel Schneider, Jean Thiriart, Luc Michel, mais aussi Jean- François Touzé (ex-FN), Robert Spieler (ex-FN , ex NDP et aujourd’hui Synthèse Nationale), Olivier Cazal (ex-PFN et FN), Jean- François Joly (revue Persiste et signe) ou l’ancien militant d’ultra-gauche Pierre Guillaume. Sur une ligne clairement NR, le journal aura du mal à trouver une audience stable. Cherchant à attirer les tendances NR et National populaire encore présentes au FN, des tensions naîtront avec le parti. La vente de la revue sera interdite aux fêtes BBR. La publication de la revue s’arrête fin 1992. En 1993 Yves Bataille part s’installer en Serbie. Engagé du côté des Serbes dans le conflit, il participera à la défense Radovan Karadžićà lors de son procès du Tribunal International de La Haye en témoignant en sa faveur. En 2003 on retrouve Yves Bataille à la « 4ème université d’été pour les mouvements verts pacifistes et alternatifs » du 22 au 25 août 2003 en banlieue parisienne, qui regroupe le PCN belge, des mouvements libyens proches de Kadhafi, et des militants écologistes radicaux proches des thèses NR. Bataille y intervient en tant que directeur de La Lettre Géopolitique sur la question « du mode opératoire étasunien dans la guerre yougoslave » ainsi qu’à la table ronde « La place de l’Irak dans les projets impérialistes des USA » au côté de Luc Michel (chef du PCN)). En 2016, au côté d’Alexandre Dougine[8], Yves Bataille participe à l’appel à la formation d’un nouveau Komintern anti-impérialiste.
  • Autre personne présente à ce colloque Jean Michel Vernochet qui interviendra sur “La Russie et les Etats Unis en Syrie”. Vernochet était interviewé dans Rivarol en septembre 2013 au sujet de son dernier livre “Les égarés, le Wahhabisme est-il contre-Islam ?”. En janvier 2014, il fait parti des premiers signataires de la pétition pour la journée du Retrait lancée par Farida Belghoul. Puis le 19 mars 2016, il participe au colloque de Civitas sur le thème :” De la guerre au Proche Orient à l’Immigration et au terrorisme en Europe” en tant que journaliste et géopolitologue, et intervient sur “Le rôle du wahhabisme”. On le retrouve dernièrement à la fête du Réel organisée par Civitas en mars de cette année, pour dédicacer ses livres. Depuis août 2017 il anime une émission tous les mois sur la webtélé d’Egalité et Réconciliation en recevant Jérôme Bourbon le directeur de Rivarol, Marion Sigaut ou Pierre Hillard.
  • D’autres noms figurent dans ce colloque, dont Emmanuel Leroy, ancien militant du Front National, qui en mars 2017 organise quand même la rencontre entre Marine Le Pen et Vladimir Poutine. Président de l’association Urgence Enfants du Donbass, il se rend dans le Donbass en juin 2017 en compagnie d’Hubert Fayard, de l’élu LR Vitrollais Christian Borelli, Christine Pujol de Debout la France (ex FN) et Kris Romain ancien du Vlaams Blok.
  • Sébastien Senépart sera aussi présent à Diderot qui travaille pour la revue Conflits, lancée par Pascal Gauchon ancien rédacteur en chef de Défence de l’Occident, membre d’Ordre Nouveau, puis secrétaire général du Parti des Forces Nouvelles de 1974 à 1981.

Et Djordje Kuzmanovic dans tout ça

Enfin le conseiller de Jean Luc Mélenchon, secrétaire national du Parti de Gauche mais aussi porte-parole Défense et International de la France Insoumise devrait intervenir sur la thématique “France Russie : quelles relations diplomatiques pour l’avenir”. Début avril, il condamnait les attaques fascistes sur la fac de droit de Montpellier ou sur le Lycée Autogéré de Paris sur son compte twitter. Quinze jours plus tard il se retrouve dans une fac aux cotés de militants d’extrême droite qui n’ont pas hésité à passer à l’action. Kuzmanovic a par contre oublié d’informer qu’il participerait au colloque “Où va la Russie” ce samedi à Diderot, sur son compte twitter.

Ce n’est pas très étonnant que ce “Patriote”, comme il se présente lui-même, se retrouve aux cotés de personnages comme ceux cités précédemment. En mars 2017, dans une interview pour le site internet Accès Défense “Cercle de Réflexion sur les questions de défense”, il déclarait à propos de la défense “Il n’y a plus de clivage droite-gauche car ce clivage ne fonctionne plus sur ces questions. Il existe un clivage entre souverainistes et mondialistes. De ce point de vue-là nous sommes plutôt du côté des souverainistes.”. Après ces déclarations on voit mieux comment on a pu le retrouver dans l’organisation d’un rassemblement pour la “Paix en Ukraine” très pro-Poutine le 22 juin 2014, où l’on retrouvait l’Agence Info Libre, le Cercle des Volontaires, Benajam du Réseau Voltaire ou André Chanclu un ancien du GUD. Kuzmanovic s’exprimait encore sur la religion dans une interview à l’hebdomadaire Famille Chrétienne en mai 2017 en affirmant :”J’aime le côté chatoyant, festif et libre de la liturgie”, toute une pensée. Street-Press en juin 2017 s’était déjà intéressé à ce “patriote” de LFI.

En pleine période de mobilisations étudiantes sur les facs, et après de multiples provocations de la part de l’extrême droite (à Montpellier, Paris, Strasbourg …) on se demande à quoi joue la fac Diderot à faire rentrer dans ses murs ce genre de personnages.


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