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Nous ne fêterons pas le travail, qu’il crève !

posté le 26/04/18 Mots-clés  luttes sociales  Liège 

« Pas une seule liberté donc, pas un droit qui ne soit le produit d’une lutte. Les libertés qui ne sont pas défendues, disparaissent. Les libertés qui ne sont pas conquises, restent des songes. »

Parce que aujourd’hui le travail est indissociable de la précarité, de la flexibilité, des licenciements, des plans d’activations et des allocations sociales,

Parce que « la fête du travail » est indissociable de la bière, du pain saucisse et d’un folklore syndicaliste aussi impuissant que contre-productif,

Parce que l’expression politique de « la fête du travail » ne se résume qu’à une tribune où un spectacle ne laisse dans le vent qu’un ensemble de mots sans chairs ni sens et encore moins d’actes et de portées,

Parce que nous refusons de nous forcer une année encore à participer à cette obligation morale, cette triste(me)sse où on tente de se sentir moins seul.e,

Parce que l’illusion productiviste du plein-emploi n’est qu’un rejeton du mythe suicidaire de la croissance, elle est une participation mortifère à l’écocide généralisé,

Parce que le libéralisme est liberticide et parce qu’il s’insinue partout, parce qu’il détruit peu à peu toute idée de commun, parce qu’il cherche à coloniser nos esprits par tous les moyens, parce qu’il détruit une par une nos conquêtes, nos libertés et la diversité de nos modes de vie.

Fuck May 68 Fight now :

Pendant que certain.e.s veulent commémorer, d’autres luttent maintenant. Tandis que ceux qui ont intérêt à l’immobilisme nous demandent d’attendre des hypothétiques moments – élection, reprise du marché, soutien de la base, croissance et autres conneries –, d’autres s’organisent directement de manière plurielle.

C’est ce qui se passe en France où zadistes luttant pour leur commun, grévistes s’auto-organisant dans l’action et débordant les manifs, ou encore les étudiant.e.s occupant les facs tiennent la dragée haute à l’état français ! La Belgique n’est pas en reste, attaques contre la prison et son monde, frappes nocturnes sur la pollution publicitaire, destruction de matériel urbain anti-sdf, ZAD du Keelbeek contre la maxi-prison, plateforme d’hébergement des sans-papiers face à la violence de l’état, créations de comité de soutien aux ZAD, initiatives antifascistes, manifestations féministes...

Nous prenons part depuis le terrain de la lutte. Notre histoire ne nous lie pas à une quelconque fête du travail. Elle nous lie au massacre de Haymarket Square où l’état et le Capital exécutèrent huit anarchistes pour avoir organisé des manifestations ouvrières en arme avec l’exigence de la réduction du temps de travail. Notre histoire nous lie aux actes de ruptures, aux visages anonymes sabotant, occupant et dépavant, elle nous lie aux barricades et à la pratique des mots sur les murs ; et non aux quelques figures mâles de 68 ou aux slogans tellement répétés qu’ils ont perdu toute pugnacité. Nous nous lions aux pratiques, aux actes et non à quelques idoles, icônes.

Ici et ailleurs, nos compagnon.ne.s et camarades sont en lutte, il n’est pas question pour nous de commémorer, de se vider des goulots estampillés made in Cuba vendus par des partis, de recommencer la même messe avec les mêmes prêches archaïques, ou encore de manger un pain saucisse en compagnie des corrompus, attentistes, tièdes et autres vendus.

C’est pourquoi nous lançons cet appel pour le premier mai :

Personne au monde, personne dans l’histoire n’a jamais obtenu sa liberté en faisant appel au sens moral de ceux qui l’oppriment – Assata Shakur

Nous, travailleur.se.s avec ou sans papiers, collectionneur.se.s de CDD, stagiaires, jonglant avec les temps partiels et jongleurs à temps partiel, intérimaires, intermittent.e.s, étudiant.e.s, apprenti.es, cohabitant.e.s, chômeur.se.s sanctionné.e.s, contorsionnistes du black, indépendant.e.s complémentaires (sur vélo, mob ou à pattes), flexibles par contrainte, nomades par envie ou par nécessité, chercheur.se.s atypiques ou dans la dèche, artistes avec ou sans statut, évadé.e.s de l’emploi à vie et refuzniks du salariat, bénévoles et activistes au sein de projets collectifs, squatteur.se.s, zadistes et autres spécialistes de la réappropriation des espaces publics et privés ;

Nous les précaires réclamons tout. Toutes nos envies, toutes nos vies.

Nous ne négocierons rien.

Nous demandons aux élèves et étudiant.e.s, aux travailleur.se.s précaires et temporaires, aux chômeur.se.s, aux immigrant.e.s, aux artistes, intermittent.e.s, saltimbanques, aux femmes activistes et aux militant.e.s d’Europe et du monde, à créer ces espaces de rupture. Nous osons et nous avons des dents pour mordre et crier.

Pour toutes ces raisons, réapproprions-nous ce premier mai pour en faire une journée internationale de lutte des précaires. Avec nos rêves, nos slogans, nos réalisations, nos déguisements, nos musiques et nos tripes, dans une rage joyeuse contre l’exclusion, créons des espaces d’utopies et de plaisirs !

En rose, en rouge et noir, en vert et contre tout, le premier mai, à Liège comme à Bruxelles et ailleurs, nous ferons sa fête au travail ! Que nos cercles affinitaires, nos bandes de voyous, nos collectifs, nos conspirations de canailles, nos associations et autres clubs de vandales lancent des initiatives pour ce premier mai, de la place Saint-Paul au Carré de Moscou, de jour ou bien de nuit. Certaines sont déjà prévues. A vous d’en prévoir d’autres.

Amours et Révoltes.


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Commentaires
  • "Le travail est le plus grand affront et la plus grande humiliation que l’humanité ait commis contre elle-même. " (HERMAN J. SCHUURMAN, Le Travail est un crime)

  • Très bon article j avais envie d en faire de meme mais tout est dit. Peut etre rajouter une invitation simplement à prendre la parole lors de la « fete syndicale » pour que cette parole soit entendue !!!

  • 27 avril 2018 16:46, par johnny l

    encore un communiqué qui va être lu par 4 personnes et puis oublié, va travailler un peu ça sera plus utile pour la revolution

  • 29 avril 2018 02:46, par ex-maidaiste

    Chouette texte, dont certains passages rappellent étrangement l’un ou l’autre appel liégeois d’il y a une dizaine d’années...

    Sinon, pour ceux qui auraient le temps et l’envie, il y a aussi un premier mai qui s’annonce révolté et combatif pas très loin de n os contrées : https://www.lespaves.net/1968-2018-dun-mai-sauvage-a-lautre-appel-a-converger-sur-paris-le-1er-mai/?lang=fr

  • « C’est ce qui se passe en France où zadistes luttant pour leur commun, grévistes s’auto-organisant dans l’action et débordant les manifs, ou encore les étudiant.e.s occupant les facs tiennent la dragée haute à l’état français ! »

    Je ne sais pas d’où sortent vos infos, mais il n’y a pas l’ombre d’une auto-organisation dans le soi-disant « mouvement » de grèves en France : les syndicats l’organisent et encadrent parfaitement, et ce depuis le début ! Quant à tenir soi-disant « la dragée haute » à l’Etat français, ça fait assez rigoler : la ZAD est en passe d’être vidée, la grève est dans une complète impasse, Macron se permettant de dire à la télé américaine qu’il est hors de question qu’il cède, et les étudiants qui occupent les facs sont une ridicule petite minorité qui se fait virer manu militari par la police des locaux qu’elle occupe. L’Etat en profite d’ailleurs pour les présenter comme des vandales irresponsables.

    Alors il faudrait arrêter de se payer de mots et constater que tous ces soi-disants « mouvements » ne sont aucunement des luttes, qu’il n’y a pas de rapport de force et qu’une fois de plus les syndicats et la Gauche nous bernent et nous mènent directement dans le mur, de concert avec le patronat et l’Etat ! Merci aux auteurs de ce texte de ne pas en rajouter dans la confusion : nous allons directement vers une défaite qui va être claironnée partout par le gouvernement et tous ses sbires !

    « Fuck Mai 68 » ? Il faudrait quand même être capable d’en tirer les leçons, et de comprendre qu’en Mai 68, contrairement à aujourd’hui, l’encadrement des luttes, c’est-à-dire les syndicats et la Gauche y compris extrême, était complètement débordé par un mouvement qui a posé des revendications communes et qui a mis en avant sa propre unité comme base de sa propre force. Ce n’est aucunement le cas aujourd’hui, et il faut en tirer une leçon : chacun dans son coin, on n’a pas une chance de l’emporter ! Quant à ajouter « Fight now », il faudrait arrêter de prendre des vessies pour des lanternes et COMPRENDRE que lutter, ça veut dire se battre pour l’unité du mouvement, tout le contraire de la « convergence »…

  • Les zadistes... Une bande d’éleveurs-exploiteurs et de biodynamistes-anthroposophes. Que des merdes du Moyen Âge.

  • PARLEZ-MOI DE TRAVAIL... ET JE SORS MON REVOLVER

    Je n’avais pas quinze ans quand le démon du tra­vail m’a taquiné. C’était comme ça, à cette époque, pour être un homme, un hé­ros, il était dans les conven­tions de se lancer dans le brouhaha des usines. Des bras, l’industrie en consom­mait beaucoup pour produire plus. Mon père était fier de voir l’aîné de ses rejetons en­trer en sidérurgie, dans le grand ordre du travail.

    Aujourd’hui, des aciéries Minières de la Sambre où je suis entré en 1961, il ne reste plus rien. Tout a été rasé, les cheminées, les tuyaux et les grandes bouches rougeoyan­tes des aciéries et des hauts-fourneaux ont cédé la place à la folle avoine. Les péniches viennent encore à Marchienne-au-Pont et dorment tranquillement le long des berges de la Sambre, comme si les fantômes des grues venaient encore les charger.

    Nous avons travaillé com­me des bêtes dans ces lami­noirs. Il faut avoir manipulé le fer incandescent et vu les hommes souffrir autour du métal pour imaginer un in­stant la vie d’un sidérurgiste. Les premiers jours, rompu de fatigue, j’ai fait comme tous les gamins qui se frottaient pour la première fois à cet enfer d’acier et de feu, j’ai pleuré d’épuisement, mêlant larmes et sueur.

    Puis je me suis habitué, comme les autres, qui étaient là depuis des années et qui parfois savaient à peine écrire leur nom. Certains d’entre nous ont payé de leur chair la contribution au boom des gol­den sixties (?). Je n’oublierai jamais ce garçon de 17 ans qui eut les deux jambes sec­tionnées par un cylindre.

    Bien d’autres ont laissé doigts et bras. Mon père y a perdu la vie, un dimanche matin, coupé en trois par la locomotive du four à coke. Pantin désarticulé que l’on avait rabiboché pour nous le présenter une dernière fois à l’hôpital des accidentés du travail (construit uniquement pour rafistoler et recoudre ceux que l’usine amochait ; les assurances, pour grappiller quelques francs sur les mal­heureux, poussaient les chi­rurgiens à fabriquer de terri­bles marionnettes, plutôt que d’amputer !).

    Un représentant de la di­rection était là pour nous ac­cueillir, il a cru bon de nous dire : « Ah ! C’était un tra­vailleur... ». Je crois que c’est ce jour-là que je me suis ren­du compte que nous étions roulés.

    Oui, on nous a roulés et on continue à berner des généra­tions en leur inculquant la grande vertu du travail. D’autres emplois dans diver­ses industries ont ponctué vingt-trois ans de carrière. J’ai moi-même fondé une fa­mille et pour l’alimenter, j’ai soutenu des cadences infer­nales. Debout à 5 h, rentré à 18 h, et puis militer le soir pour... la réduction du temps de travail !

    Voici trois ans que je suis au chômage, je fais partie de ces zombies que l’on oblige quotidiennement à estampil­ler du sceau de la fainéantise une carte rouge pour leur rappeler qu’ils vivent aux crochets de ceux qui ont le bonheur de travailler...

    Mais quelle bénédiction d’être chômeur, pardon... tra­vailleur sans emploi, selon la formule consacrée. Dommage que le pécule est un peu mai­gre, mais nous sommes enfin libres. Nous n’avons plus de nœud au ventre parce que nous n’atteignons pas les quotas de production ou par­ce que nous arrivons en re­tard au boulot ; le nec plus ultra, c’est de ne plus enten­dre la voix vociférante du chef entre le vacarme des ma­chines et l’angoisse d’être vi­ré ! Ça n’a pas de prix !

    Mais j’ai tout de même une petite crainte d’être à nou­veau envoyé au turbin par tous ceux qui sentent le be­soin de verser une larme sur notre sort, nous les sevrés de la production. Faut-il préci­ser que très souvent ceux-là ne connaissent rien au bordel infernal du travail. J’entends déjà les voix offusquées s’étranglant à la lecture de mes propos : « Mais nous n’allons pas vous payer à ne rien faire, c’est indécent... ». Tiens donc, et les actionnai­res, leur demande-t-on si on va continuer à les rétribuer à ne rien faire ? Leur demande-t-on de pointer dans un local minable pour que l’on puisse les montrer du doigt comme les parasites de la société ?

    Ils ont compris bien avant moi que le travail n’était pas une vertu, ni une manière de s’épa­nouir.

    De sa fonction purement ali­mentaire, le travail est devenu une valeur culturelle, un symbole de reconnaissance, à un tel point que certains sont prêts à sacrifier une partie de l’aspect alimentai­re, simplement pour être dans le coup.

    Travailler pour être reconnu socialement.

    Le vrai courage serait de lutter pour l’abolition du travail, libé­rer l’homme du concept du tra­vail pour retrouver l’énorme ca­pacité créatrice qu’il possède.

    L’homme mérite mieux qu’un alignement stupide derrière ses semblables, dans un local mina­ble, une carte rouge à la main...

    LE COMMUNISTE No. 27 (Juillet 1988)

  • "va travailler"... "pour la révolution", relis tes classiques ou dans ta chair ;)

    sinon, désolé de te contredire triste personne, mais ce texte a été distribué à 200 gentes (manque d’impressions) avec un questionnaire humoristique sur le 1er mai et une quinzaine d’entre elles sont venues en discuter avec nous. En sachant qu’en plus on s’en fout des chiffres nous, ça tombe bien ;) !

    allez, bonne nuit

  • merveilleux texte de 1988, on sent qu’un passage de témoin ne s’est jamais fait entre ces survivants du fordisme et les précaires d’aujourd’hui... il faut aller voir les ruines de ces camps de concentration pour saisir l’ampleur du phénomène et sans doute revoir la copie de ces énumérations de sujets productifs contemporains qui n’ont rien de collectif et souvent pas grand chose de révolutionnaire.

    VGSI, pour une fois merci de remettre les pendules à l’heure, pas de quoi pavoiser malgré la vague actuelle de luttes (qui ressemble au chant du cygne, jamais aussi beau qu’avant son décès) aussi admirable que vouée à la défaite (mais après tout, le mouvement contre le capital a-t-il jamais été autre chose qu’un mouvement de vaincus ?)

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