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Un soir de novembre pas ordinaire

Un soir de novembre pas ordinaire

QUAND LE SOLEIL DE LA RÉVOLTE PERCE LA GRISAILLE DE LA NORMALITÉ

En temps normal, la société nous arrache notre liberté sans trop de résistances. Dès le matin on doit rentrer dans les rangs : en file sur la route, devant les portiques du métro, aux guichets de l’administration, ... C’est comme ça qu’ils nous veulent. On traverse chaque jour les même paysages tristement identiques. Ces couloirs et ces quartiers, truffés de caméras, qui ressemblent de plus en plus à une taule. Où la moindre parcelle est minutieusement contrôlée pour éviter toute occasion de désordre. Ils ne veulent pas seulement canaliser nos faits et gestes au service de l’environnement, mais aussi que notre imagination se limite à ses cadres. Que nos pensées étouffent dans les rôles existants : citoyen, consommateur, employé, ... sans plus pouvoir désirer quelque chose de profondément autre. Parce que cette société n’a d’autres choix à nous proposer que le dressage à l’école, la mise au travail ou la survie au chômage. Avec toujours la même illusion de s’évader dans la consommation et le divertissement proposés par des écrans omniprésents. Quiconque prend la liberté de frayer sa propre route et vous verrez lui tomber dessus les flics, les contrôleurs, les vigiles. Ils sont là pour ramener toute vie non soumise dans le cercle de la loi.
Voilà le cours normal des choses. Ou du moins, telles que les autorités voudraient qu’elles soient. Car heureusement les rouages de la sujétion ne sont pas si bien huilés. Et le système n’arrive pas toujours à éteindre ce qui couve dans le coeur des exploités : la révolte.

Le soir du 11 novembre, le temps d’une émeute au centre-ville, toute cette normalité oppressante a volée en éclat. Une des artères commerçantes principales de la ville est transformée en terrain de jeu incontrôlable où quelques 300 personnes donnent libre cours à leurs passions destructrices. Ce cher aménagement urbain, pensé pour être si bien réglé et hiérarchisé par les urbanistes, on crache dessus. Le mobilier est retourné et cassé en morceaux pour servir de projectiles dans les affrontements avec les keufs. Ces barrières et ces lignes, qui servent à éliminer les initiatives spontanées dans la vie quotidienne, sont joyeusement piétinées par la foule. Ne parlons même pas des feux de signalisation qui, hier encore, réglaient la triste routine des banlieusards : ils sont arrachés à mains nues pour servir de mikado géant... Un blocage de route fait de poubelles et de voitures brûlées paralyse pour de bon le flux des marchandises humaines. Ouvrant par là même des possibilités inédites pour expérimenter d’autres rapports entre les gens, sans être aspiré dans la logique du travail, du fric et de l’autorité.
La sacro-sainte propriété privée aussi a pris des coups. Quand on pense à ces objets de luxe derrière leur vitrine de luxe, destinés seulement à orner l’appartement des riches. Tout est fait pour exciter le désir de ceux-là même qui n’ont pas assez d’argent pour le satisfaire. Mais pas cette fois ! À chaque vitrine qui tombe c’est une séparation de moins entre privilégiés et exclus. Les magasins sont pris d’assaut pour reprendre ce qui nous est arraché ou nié tous les jours au nom de la propriété. Le même sort est réservé aux écrans publicitaires. Aucun regard, aucune pensée ne devait échapper à leur emprise : ils sont éparpillés en milles fragments sur le sol.
Cette partie de la ville est d’ordinaire patrouillée par des militaires en armes et d’autres larbins de l’État. Qui sont là pour nous rappeler de la fermer et de continuer à obéir. Mais quelques heures de bordel intenses a rendu la zone dangereuse pour toutes sortes d’uniformes. Quelle bouffée d’oxygène !

Évidemment l’ensemble du monde politique condamnent ces feux de joie et de colère, comme ils l’ont toujours fait. Puisque dans la révolte de ceux d’en bas, c’est leur pouvoir qui est en jeu. En fait, ils pissent dans leur froc. Parce qu’ils sont bien conscient qu’en l’espace de quelques nuits sauvages, une foule en insurrection pourrait abattre tout ce qui permet techniquement la reproduction de l’existant. Alors se déchaîne le système judiciaire et tous les rouages du maintient de l’ordre, depuis les anti-émeutes jusqu’aux éducateurs de rue. Afin de reprendre au plus vite la conduite normale des affaires, sur notre dos et à leur profit.
Pour ce faire, ils en appellent même ouvertement à la délation des émeutiers et des pilleurs. Mais qui s’en étonne encore ? Quadrillé tout l’espace par des caméras ne suffit pas, ils veulent réveiller le maton justicier qui sommeille en chaque citoyen. Et qu’on se dénonce les uns les autres aux flics... Rien de mieux que les moments de révolte pour identifier les ennemis de la liberté : nique les médias et les balances, ensemble avec tous les défenseurs de l’ordre !
Il faut désobéir à la voix du pouvoir qui nous dit que s’affronter à la police est violent, alors qu’il torture dans ces commissariats et dans ces prisons, qui nous dit que détruire une banque est violent quand il détruit chaque jour des vies humaines à ses frontières et avec ses guerres.
Gardons ouvertes les possibilités de désordre, pour les pousser plus loin et en inventer de nouvelles. Prenons à nouveaux les rues, étendons la révolte à tous les quartiers et à tous les aspects de la ville.
Nous ne voulons pas seulement un soir, nous voulons la vie entière !

Chaque explosion de rage nous renforce, parce qu’elle propage une onde d’hostilité contre ce monde.
Chaque barricade nous donne de l’oxygène, parce qu’elle arrache de l’espace indispensable pour développer d’autres rapports.
Chaque policier blessé nous rempli de joie, parce que c’est un obstacle en moins sur le chemin de la liberté.

des incontrôlables


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Commentaires
  • 27 novembre 2017 12:22, par Prudence

    Vanité vanité !
    Prudence mère de la sureté : en étant vigilant et en agissant avec prudence, on évite les dangers !!

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