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La Marche du Retour : une belle initiative de la société civile palestinienne, par Amira Hass

posté le 02/04/18 Mots-clés  médias  antifa  Peuples natifs 

La journaliste israélienne Amira Hass donne une leçon de politique et d’honnêteté à ses concitoyens et au reste du monde, en expliquant toute la conscience politique contenue dans l’initiative de la Marche du Retour engagée par la société civile palestinienne.

" La répression de la lutte contre les droits nationaux et pour l’égalité n’est pas une science exacte. Difficile de savoir, même après 70 ans d’expérience de répression, si le fait de tuer des manifestants non armés qui n’ont pas menacé la vie d’un seul soldat, va décourager les manifestants ou avoir l’effet inverse.

Et après des décennies d’expérience, nos politiciens et notre armée continuent à présenter les Palestiniens comme des marionnettes du Hamas, tout comme ils les ont fait passer pour des pions de l’OLP.

Mais des dizaines de milliers de personnes ne participent pas à une manifestation risquée, défiant les avertissements israéliens, par simple obéissance au Hamas. Le faire croire, c’est afficher un profond mépris à la fois pour le public israélien, et adopter le langage des dictateurs.

Il est difficile de savoir exactement comment est née cette initiative de la Marche du Retour, mais elle implique de toute évidence une nouvelle génération qui en a assez des luttes intestines, et qui cherche comment faire bouger les choses. Et le Hamas, comme le Fatah ont été obligés de suivre. Ce ne sont pas des manœuvres mais une prise de conscience politique.
Et les dates choisies pour cette marche ne sont pas le fruit de manipulations cyniques . La Journée de la Terre marque l’assassinat de manifestants palestiniens qui étaient des citoyens israéliens et qui protestaient contre l’expropriation de leurs terres. Et c’est devenu une journée nationale qui unit les Palestiniens quels que soient les barrières ou les passeports qui les séparent. Et la douleur liée à la perte de leur terre natale en 1948 n’est pas un prétexte.

La décision de mener une action de 6 semaines le long de frontière fixée par Israël est une tentative politique de briser le blocus externe et interne imposé par Israel.

Ce n’est pas le nationalisme palestinien qui est mourant, mais c’est le Fatah, tandis que le Hamas ne parvient pas à représenter une alternative acceptée par tous. Et la société palestinienne a décidé de reprendre la main. Elle cherche ce qui pourrait mettre un terme aux divisions, en se basant sur les composantes de l’identité palestinienne qui sont acceptables par tous.

Et c’est dans cette optique que nous devons appréhender cette Marche du retour, qu’Israel réussisse ou pas à la vaincre par la répression.

Le choix politique qui est fait par Israël d’employer des moyens mortels pour réprimer une action civile populaire n’est pas lié à une quelconque crainte que ce droit au retour s’accomplisse. S’ils ont donné l’ordre aux soldats de tirer pour tuer c’est parce que cette marche déstabilise le pilier de la politique israélienne qui consiste à empêcher tout projet national palestinien de se réaliser en isolant la bande de Gaza du reste des Palestiniens de Cisjordanie et d’Israël.

Cet isolement, construit progressivement sur plus de 27 ans, n’a pas seulement provoqué une terrible crise économique et environnementale. Il a entraîné la constitution de deux gouvernements, ce qui arrangeait bien les affaires d’Israël. Et cette marche est une initiative sociale et politique qui essaie de surmonter cet obstacle.

On peut faire confiance aux dirigeants israéliens pour donner la réponse ad hoc quel que soit le développement de cette initiative. Si les manifestations de la Marche du Retour se terminent, ils diront que c’est grâce à la poigne de fer exercée dès le premier jour. Et si elles se poursuivent, ils expliqueront ne pas avoir été assez fermes avec ces « terroristes ».

Il y aurait eu quelques cocktails Molotov et quelques pneus brûlés, a écrit Amos Harel dans Haaretz. Mais tous ceux qui ont étudié le déroulement de la marche savent que même si cela avait été le cas, les snipers ont tiré dans le dos des manifestants qui ne constituait aucun danger pour les soldats. Et l’ambiance générale était de toute évidence festive et civile parmi les manifestants, avant les tueries de l’armée.

L’armée se permet de violer le droit international et de tirer sur des civils sans armes, et de les tuer parce que la société israélienne l’accepte, comme un acte de défense, sans chercher à en savoir davantage. Même chose de la part des gouvernements dans le monde, en dehors de quelques faibles condamnations, certainement pas de nature à dissuader Israel.

En tout cas, la Marche du Retour, qu’elle continue ou pas, fait savoir au monde entier que les habitants de Gaza ne sont pas des cas humanitaires passifs et désespérés, mais une population consciente politiquement. »


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