Vendredi 13 mai à 19 heures, nous accueillons Abdelkrim Bouhout pour une présentation de son livre Idéologie et théories raciales. De la crise averroïste au grand remplacement, publié aux éditions L’Harmattan. « Pourquoi les théories raciales ont-elles été rationalisées en Europe ? » Pour répondre à cette question, l’essai d’Abdelkrim Bouhout engage une déconstruction des discours rationnalisant les théories raciales en Europe à partir de la crise averroïste au 13e siècle jusqu’à nos jours.
Au 13e siècle, l’Université de la Sorbonne voit s’affronter ouvertement « ordres mendiants » et « libres penseurs » au détour de « la théorie de l’intellect » d’Ibn-Rushd de Cordoue (Avverroès). Cette controverse génère un corpus idéologique visant à épurer la culture hellénique de sa filiation sémitique en deux temps. Dans une première séquence, la tradition d’épuration des savoirs grecs débute avec une offensive de la scolastique contre le péripatétisme arabe qu’elle vise à défaire de la tradition grecque. Elle poursuit sa route avec les humanistes de la Renaissance condamnant une méthode scolastique « obscure » et « barbare ». Ces penseurs prônent avec Érasme, un retour littéral aux sources classiques avant que le criticisme kantien n’impose définitivement ses lumières à la schola saturée de paralogismes gréco-arabes.
La deuxième séquence confronte l’aristocratie d’Ancien Régime, la nouvelle droite française, à l’idéologie protestante et révolutionnaire avant que le polygénisme scientifique ne clôture ces deux cycles en métamorphosant la controverse intellectuelle en discours raciaux compte tenu :
1- de la vulgarisation des sciences sociales et orientalistes réservées jusqu’alors aux sphères savantes,
2- de l’émergence d’un nationalisme en reste de mécanismes de déclassement, élevant au sein de la bourgeoisie lettrée une morale résolument conservatrice, le tout agité par les controverses opposant l’incrédulité au sentiment religieux.
En guise d’épilogue, l’auteur démasque les « intellectuels médiatiques » (Houellebecq, Camus, Finkelkraut) rabâchant les poncifs hérités de ces représentations arbitraires de l’altérité, notamment le grand remplacement.
Sur le plan méthodologique, l’auteur reprend la déconstruction des discours et textes orientalistes par Edward Saïd et combine ces approches à une modélisation inspirée de la méthode des idéaux-types de Max Weber. Cette méthode, permet d’ordonner les producteurs de théories raciales en France (Gobineau, Taine, Sainte-Beuve, De Maistre, Lapouge, Pouchet, Montandon, Barrès, Bourget, Maurras, Bainville, L. Daudet, Renan) en quatre idéaux-types : le laborantin, l’illusionniste, le ventriloque et le majordome.