Mégaprison, criminalisation à 1 million, Jan Jambon

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­Mégaprison, criminalisation à 1 million, Jan Jambon

Jan Jambon, ex-ministre fédéral de l’intérieur en charge de la Régie des bâtiments avait déposé plainte en 2019 contre 10 citoyens opposés à la mégaprison. Il leur réclamait 1.036.000 euros dans une procédure d’instrumentalisation de la justice et de criminalisation de la société civile. Il a perdu sur toute la ligne. Les accusés n’avaient rien à déclarer, conséquence : non-lieu. La bataille contre la mégaprison continue.

Vous vous souvenez des précédents épisodes : condamnation à 10 mois de prison avec sursis pour la destruction d’une maquette de la mégaprison en 2015, évacuation violente et incendie des cabanes des citoyens qui défendaient la biodiversité du Keelbeek, en 2017 et en 2018, arrestation administrative de 90 citoyens bloquant non-violement le chantier de la mégaprison en 2019, communications mensongères du gouvernement fédéral et de la Régie des bâtiments contre la large opposition à ce projet toxique.

Voici un point dont nous n’avions pas encore parlé.
Fin 2019, dix personnes reçoivent une convocation au tribunal pour le 14 janvier 2020.

Ils sont inculpés notamment de « Dégradation de propriétés immobilières d’autrui, à plusieurs reprises entre le 2/03/2015 et le 27/10/2016 » et de « Destruction de clôtures rurales et urbaines avec circonstances aggravantes : commettre une usurpation de terrain, à plusieurs reprises entre le 2/03/2015 et le 27/10/2016 ». En ce qui concerne la dégradation de propriété immobilière d’autrui, malgré tous nos efforts nous n’avons pas pu comprendre à quoi l’ex-ministre faisait référence. Nous avions construit de sympathiques cabanes, planté des patates (elles ont toujours la frite !) et un verger de type conservatoire. Eux ont tout brûlé, tout détruit, et sont en train de construire le plus gros blockhaus de béton de l’histoire du pays pour y enfermer les pauvres. C’est ce qu’ils appellent le développement, le progrès, et l’ordre.

Quant à la destruction des clôtures, il s’agit de la disparition des clôtures que le ministre de l’intérieur a fait poser tout autour du terrain du Keelbeek, après son évacuation illégale organisée par le même ministre, au moment même où les opposants à la prison se défendent de l’ordre d’évacuation au tribunal, et gagnent. Des barrières donc, destinées à empêcher les ZADistes de revenir sur le terrain, qui ne compte alors plus que des lapins. Les lapins déplacent les barrières, et les mêmes 10 citoyens sont accusés « d’usurpation de terrain ». D’après le Larousse, usurper signifie « S’approprier indûment une dignité, un bien, etc. » Le ministre Jambon n’a sans doute pas encore saisit entièrement le point de vue des ZADistes, qui pensent que la terre n’appartient à personne et donc pas à eux non plus. Au demeurant, on cherche en vain la manière dont les 10 personnes incriminées auraient pu s’approprier ce bien détenu par l’Etat après expropriation du paysan qui y faisait pousser des céréales, en 2011. Aucun des 10 n’en a la moindre idée non plus.

Qui sont-ils d’ailleurs ces 10 du Keelbeek ? On y trouve des harenois, des ZADistes et de parfaits inconnus. Dans son illustre générosité, Jambon a du décider de faire l’exemple en citant au hasard du bottin téléphonique, ou en s’en prenant à de simples passants qui ont eu la malchance de croiser le chemin de l’huissier qui était venu en 2015 faire signer les actes d’expulsion du toujours ex-ministre.

Plus c’est énorme, plus ça passe, est la devise de la mégaprison.

En 2017, la police avait auditionné plusieurs de ces personnes – chacune dans un commissariat différent, on ne sait jamais. Peut-être d’autres également, Jambon seul le sait, et peut-être la police aussi. Quoi qu’il en soit, les commissaires en charge avaient laissé entendre à plusieurs des auditionnés que la plainte du ministre ne tenait pas la route, puisqu’il n’y avait pas le moindre début de preuve de quoi que ce soit, et dénonçait l’attitude de la Régie des bâtiments qui les forçait à faire ce travail inutile (« mais pour 150€ de frais de procédure, ils en ont la possibilité » a déclaré un commissaire).

Jan Jambon a poursuivi, et demandait 1.036.000 d’euros d’amende aux 10 du Keelbeek, somme décomposée comme suit :
- surveillance G4S Denys : 140.000 euros
- clôtures : 70.000 euros
- frais d’évacuation : 13.000 euros
- surveillance G4S : 813.000 euros.

Avouez qu’avec un personnage pareil collé aux basques et une telle somme, il y a de quoi passer de mauvaises nuits. Ce qui fut fait. C’est à cela que sert ce type d’instrumentalisation de la justice : faire peur, faire reculer, ôter l’envie aux citoyens de s’occuper de ce qui les regarde, affirmer l’arbitraire de la violence des multinationales et prouver qu’elles peuvent utiliser la justice par l’intermédiaire de l’Etat, bref, à nous rendre dociles comme des petits moutons.

Mais ces actions baillons ont aussi un effet secondaire positif : politiser vigoureusement l’entourage des personnes concernées et plus largement faire apparaître de manière toujours plus claire la distance toujours plus grande qui sépare notre idéal de démocratie et ce qu’en font les partis politiques au service des multinationales. Ca craque. Merci Jambon.

Conclusion du ministère public suite à l’enquête de police : aucune charge suffisante à retenir contre les 10 du Keelbeek.

Durant l’audience, magnifiquement défendus par leurs avocats qui excellent depuis qu’ils gèrent ce dossier aux multiples facettes, tous ont répété la seule chose à déclarer : rien.

En conséquence de quoi la juge a déclaré le non-lieu. Les avocats ont demandé et obtenu que la Régie des bâtiments paie les frais d’instruction et de procédure.

Nous n’avons malheureusement pas encore trouvé de moyen de porter plainte pour le préjudice subi par les 10 du Keelbeek et par le Keelbeek lui-même du fait de l’attitude de la Régie des bâtiments. Nous continuons de chercher.

Désormais, le Keelbeek est dévasté, et la mégaprison est construite à marche forcée. La bataille continue et nous promettons à tous les responsables de ce désastre d’avoir à rendre des comptes.

Jan Jambon est désormais ministre-président de la Flandre. Nous avons pitié de lui et de sa politique brutale, complètement inadaptée à notre époque, qui fait si mal à l’humain et dès lors à sa communauté. Jan Jambon est déjà en sursis, comme la moitié de la Flandre qui est vouée à disparaître dans quelques générations sous l’eau des océans. Ils montent avec le climat qui se réchauffe sous l’effet des politiques du type de celles que défendent Jan Jambon.

Jan, vite, un kayak !


publié le 15 avril 2020